Le noachisme : Israël et les nations

Aborder les questions religieuses dans une revue politique peut surprendre a priori. Pourtant, le spirituel « informe » le politique et, indépendamment de toute question de foi ou de croyance, en tant qu’analystes politiques, nous devons en tenir compte façon éminente. L’évolution de l’Église catholique depuis quelques décennies a de graves implications politiques qui nous obligent à aborder le sujet.

Tout observateur sagace ayant suivi les débuts du pontificat du pape François 1er, élu le 13 mars 2013 n’aura pas manqué de remarquer un fait curieux : la première lettre rédigée par le nouveau pape a été envoyée, le jour même de l’élection, à la communauté juive de Rome en adressant au Grand Rabbin de Rome son salut cordial dans un esprit d’entraide.(1)

Singulier comportement du chef de l’Église romaine dont, en bonne logique, le premier message aurait du concerner ses ouailles catholiques ou bien encore les chrétiens des autres Églises, orthodoxes et protestantes.Pourtant, comment s’en étonner lorsque l’on sait que, depuis le concile Vatican II, l’Église romaine décerne aux Juifs le titre de « frères aînés dans la foi », (dixit le pape Jean-Paul II) au mépris à la fois de la tradition catholique et de toute réalité historique dans la mesure où le judaïsme talmudique que nous connaissons s’est constitué en réaction contre la religion chrétienne et donc après lui.

Tout se passe comme si l’Église catholique romaine s’était inféodée au judaïsme talmudique constitué après la constitution du christianisme. En fait, cette réalité résulte de la réalisation en cours du projet messianique du judaïsme, dont les fondements ont été énoncés avec clarté, à la fin du XIXe siècle par le rabbin Élie Benamozegh dans un ouvrage intitulé « Israël et les nations » (Ed. Albin Michel, 1977). Il importe donc d’ouvrir ce livre et de l’analyser et d’observer comment cela se traduit sous nos yeux.

Les deux aspects du judaïsme : mosaïque et noachique

Après avoir constaté dans son introduction que le monde du XIXe siècle, autrement dit le monde européen, est en crise spirituelle (mais il l’était depuis au moins les libertins du début du XVIIe siècle et surtout à partir d’un Pierre Bayle et d’un Richard Simon avant 1700), le rabbin énonce que le christianisme, comme l’islam, ont donné au monde tout ce qu’ils étaient susceptibles de lui apporter, ce qui n’est pas le cas du judaïsme. Toutefois, à l’époque de la rédaction de ce livre, l’islam étant marginalisé, seul le christianisme est traité.

Et d’expliquer que le judaïsme n’est pas un culte national mais la « religion réservée au genre humain tout entier et dont la législation mosaïque, en apparence si incompatible avec cette haute destinée, n’est que l’écorce ou l’enveloppe extérieure » (p.27). Et c’est « pour la conservation et l’établissement de cette religion que le judaïsme a vécu, qu’il a lutté et souffert, c’est avec elle et par elle qu’il est appelé à triompher ».

Il précise alors ce point fondamental que la substitution du christianisme à Israël en tant que religion universelle vient de la dissociation de deux idées, à sa voir un culte à la fois national et universel. Car il existe deux aspects dans le judaïsme : à la fois, une loi réservée au peuple prêtre de l’humanité qu’est le peuple juif, à savoir la loi mosaïque, et une religion universelle réservée à l’ensemble des nations, à savoir la loi noachique ou noachisme.

Et le christianisme comme l’islam sont des expressions de ce noachisme : «  ce qui a enfanté la prédication chrétienne, c’est cette foi en la religion universelle que les Juifs croyaient contenue germe dans leur antique doctrine et dont ils devaient établir un jour le règne. Mais voilà : Jésus de Nazareth et surtout ses disciples, les Apôtres, ont dévoyé cet universalisme par leurs erreurs. Et le rabbin Benamozegh de nous donner la version juive de la situation, bien sûr la seule valable pour lui.

La thèse de l’ouvrage se résume assez facilement. Le judaïsme a pour but ultime la constitution d’une religion universelle, ce qui exige qu’il développe un surcroît de rigueur dans ses dispositions internes, réservées au peuple sacerdotal. Pour cela, il doit s’isoler de l’environnement séculier dans lequel il baigne inévitablement. De là il résulte l’établissement de lois particulières dont l’étroitesse et la sévérité s’expliquent à la fois par le but inévitablement éloigné à atteindre, le culte mosaïque – et la loi mosaïque – étant la condition de la sauvegarde et de la réalisation de la véritable religion universelle qu’est le noachisme, dont le christianisme, comme l’islam seraient les signes avant coureurs. La prédication chrétienne provient de cette foi en une religion universaliste car elle aurait donné aux Apôtres la conviction d’être les instruments d’une mission providentielle et d’en poursuivre l’accomplissement jusqu’au bout de leurs forces. Et les Juifs de souligner l’accord entre les deux religions sur des aspirations universelles qui leurs sont communes.

Pour les Juifs, la religion de l’avenir doit avoir sa base dans les religions existantes et en ce qui concerne le christianisme, il ne s’agit ni de le démolir, ni de le révolutionner, ni de le reconstruire. Tout doit se passer dans la plus parfaite continuité. Le christianisme demeurera toujours à prétention universelle mais ses parties, considérées comme défectueuses par les Juifs, devront être réformées. Et selon les Juifs, la religion chrétienne deviendra d’autant plus vraie que ses dérives dogmatiques auront été corrigées à la lumière d’une orthodoxie plus ancienne. Et pour cela, le judaïsme apportera les éclairages nécessaires et, de religion la plus ancienne, elle deviendra la plus nouvelle.

La prétention juive à réformer le christianisme

Et d’espérer que le judaïsme et le christianisme vont unir leurs efforts pour assurer l’avenir religieux de l’humanité. (Il est possible d’ »extrapoler le même raisonnement à propos de l’islam qui doit lui aussi se « réformer ») Pour les Juifs, la preuve de détenir la vérité réside en ce que, bien que proclamé déchu, le judaïsme a été depuis 2000 ans toujours aussi fécond qu’avant la, chute du temple. Comment cela aurait-il été possible si le judaïsme n’avait pas eu de mission à remplir ? Pour eux, cela relève du miracle, signe d’une élection divine.

Le rabbin Benamozegh écrit dans son introduction : « nous démontrerons d’une part, contre les allégations de la critique rationaliste, que le judaïsme, loin d’être une religion purement ethnique, a un caractère nettement universaliste et qu’il n’a cessé de s’occuper de l’humanité et de ses destinées. D’autre part, nous établirons comment l’idéal que l’hébraïsme s’est formé de l’homme et de l’organisation sociale, non seulement n’a jamais été surpassé mais n’a jamais été approché que de très loin et que c’est en acceptant cet idéal, en réformant son christianisme sur ce modèle, que l’humanité pourra, sans renier ses principes les plus chers, avoir une foi raisonnable en Dieu et en sa révélation. »

« Nous montrerons que dans le judaïsme, l’universalisme comme but et le particularisme comme moyen ont toujours coexisté … on comprendra qu’Israël devait se replier d’autant plus sur lui-même, concentrer d’autant mieux ses forces qu’il avait de plus grands obstacles à surmonter pour atteindre le but auquel il aspirait. .. ; Nous croyons fermement que le judaïsme orthodoxe seul est en état de répondre aux besoins religieux de l’humanité »

Et, il conclut sans appel que « puissent les chrétiens ne pas oublier … que les intérêts du christianisme et du judaïsme sont solidaires et qu’en définitive, ce sera toujours le christianisme, il est vrai réformé sur son premier modèle (celui du judaïsme NDL) qui sera la religion des peuples gentils. Et il le sera par le judaïsme lui-même. ». Il ajoute alors, au cas où la démonstration n’aurait pas convaincu, un argument d’autorité tiré du Talmud : « on obligera le Gentil à observer les 7 commandements de Noé (Traité Sanhédrin, 57) (p.274).

L’Église face au « peuple sacerdotal »

Toutefois, dans ce livre, nous ne trouvons aucune référence à la version chrétienne de la vie du Christ. C’est comme si le sujet était sans objet. Pas une fois, il n’est fait référence au fait de la crucifixion, encore moins à la Résurrection, ne serait-ce que pour mentionner qu’il s’agit d’une fable comme ils le prétendent depuis la découverte du tombeau vide au matin de Pâques (Matthieu (XXVIII, 11-15) et discréditer le point de vue chrétien comme ils le font depuis 2000 ans). Cette omission est une façon d’éviter de poser des questions trop embarrassantes.

Benamozegh écrit (p 275) que c’est lorsque l’Église chrétienne s’est prise pour Israël que les choses ont commencé à dévier : « c’est dans ce mon d’Israël conservé par l’Église chrétienne que se résume le grand malentendu qui a fait dévier de façon si regrettable le mouvement du christianisme apostolique et surtout paulinien. Là éclate en effet avec cette prétention d’une humanité devenue israélite … la négation des deux idées nécessaires à l’ordre providentiel et qui plus est la négation de l’un par l’autre. De là le « cri de ralliement du christianisme : la loi est abolie ».  Or cette loi, les chrétiens judaïsant comme Jacques  ne voulaient point l’abandonner mais fidèles en esprit, ils n’entendaient nullement l’imposer aux Gentils car « le culte mosaïque est facultatif aux Gentils »

Autrement dit, l’Église s’arroge des titres et des qualités qu’elle n’a pas et ne peut avoir. Il faut donc la ramener à la raison et tel est le rôle du « peuple sacerdotal » qu’est le peuple juif.

D’ailleurs les Juifs ont une vision précise de ce que doit être l’ordonnancement de l’humanité (p 233 et p 350). Pour eux, le sacerdoce est le lien qui unit le fini à l’infini, la terre au ciel, l’humanité à l’ensemble de l’univers et sa règle particulière, expression de ce rapport transcendant diffère de toutes les autres, représentant à elle seule l’un des faces de la loi. Les diverses formes religieuses existantes, au contraire, qui correspondent aux différences de races et de nationalités, rentrent toutes sous la loi noachique dont elles constituent des variétés spécifiques et toutes ensemble elles se trouvent dans la même situation vis à vis de la règle sacerdotale d’Israël.

Ainsi s’explique la coexistence de deux lois : la première, dans son unité, exprime le rapport de l’humanité entière avec l’univers ; l’autre, dans sa pluralité nécessaire, a un rôle qui commence et finit sur cette terre et elle ne cesse de se modifier selon les races, les lieux et les époques (p. 370). Autrement dit, tous les peuples, pour accéder à Dieu, doivent passer par la médiation du peuple juif, seul détenteur du sacerdoce qui, de ce fait a un statut exorbitant des autres peuples. Une telle prétention constitue le fondement d’une aspiration à dominer le monde, aspiration à la foi religieuse et politique.02ku20i

Le noachisme
 
Mais quelles sont les lois noachiques ? Elles sont au nombre de sept :

  • L’obligation d’établir des institutions judiciaires
  • L’interdiction du blasphème du Nom divin
  • L’interdiction de l’idolâtrie
  • L’interdiction du meurtre
  • L’interdiction des unions interdites
  • L’interdiction du vol
  • L’interdiction de consommer de la viande arrachée à un animal vivant.

 

La liste de ces lois est énoncée dans Sanhédrin 56b, et déduite du verset : « Hachem-Eloqim donna ordre à l’homme, en disant (lémor) : De tous les arbres du jardin manger, tu mangeras » (Berechit 2, 16).

Nous noterons que, pour les Juifs, la condamnation de l’idolâtrie concerne le christianisme puisque le mystère de la Trinité est considéré comme un tri-théisme, autrement dit un polythéisme. Ils considèrent, comme cela ressort du livre du rabbin Benamozegh, que le christianisme est une déviation du judaïsme née de l’esprit de gens qui n’avaient pas compris grand chose à l’enseignement de Jésus de Nazareth.

Ces lois ne visent à rien moins qu’à réformer le christianisme, tout autant que l’islam, dans le sens de la religion juive, posé comme fondement non dévié de la révélation divine. Bref, il s’agit de transformer le christianisme en une sorte d’arianisme dérivé des réflexions des rabbins de Yavneh au 1er siècle de notre ère après la destruction du Temple. Bien sûr, la réalisation d’un tel objectif est un moyen discret mais radical d’asseoir la domination juive sur l’humanité, réalisant ainsi ce qu’il considère comme l’accomplissement de sa raison d’être, celle « du peuple sacerdotal » de l’humanité.

L’Église en voie de « noachisation »

Or il faut constater que ce raisonnement juif a rencontré, au cours du XXe siècle, des oreilles attentives qui lui ont permis de prospérer. Résumons.

Il y eut en 1928-1929, une association dénommée « Opus sacerdotale Amici Israel », à laquelle ont appartenu 19 cardinaux dont Merry del Val, l’ancien secrétaire de saint Pie X, 300 archevêques et évêques,  3000 prêtres qui faisaient leurs les douze points suivants constitutifs d’une charte du rapport chrétien avec les Juifs. Il faillait s’abstenir : de parler du peuple déicide ; de la cité déicide ; de la conversion des juifs – que l’on dise plutôt «retour», ou «passage » ;  de l’inconvertibilité du peuple juif ; des choses incroyables que l’on raconte à propos des Juifs, spécialement «le crime rituel» ; de parler sans respect de leurs cérémonies ; d’exagérer ou de généraliser un cas particulier ; de s’exprimer en termes antisémites. Mais il fallait souligner « la prérogative de l’amour divin dont bénéficie Israël »; le signe sublime de cet amour dans l’incarnation du Christ et sa mission ; la permanence de cet amour, mieux : son augmentation du fait de la mort du Christ; le témoignage, la preuve de cet amour, dans la conduite des Apôtres.»

Mais, précédée par la Rencontre du Savoy Hotel (1943) et la Conférence d’Oxford (1946), il faut surtout signaler la «Conférence internationale extraordinaire pour combattre l’antisémitisme» se réunit, du 30 juillet au 5 août 1947, à Seelisberg (Suisse) sous les auspices de l’«International Council of Christians and Jews» pour étudier les causes de l’antisémitisme chrétien. 70 personnes étaient réunies, dont 28 juifs, 23 protestants et 9 catholiques.

La conférence fut organisée à partir de thèses rédigées par Jules Isaac, fondateur du groupe « Amitié judéo-chrétienne » qui proposa avec le grand rabbin Jacob Kaplan dix-huit points de redressement de l’enseignement chrétien concernant Israël.  L’idée de Jules Isaac, par ailleurs auteur du célèbre manuel scolaire d’histoire de France Mallet-Isaac qu’on connu des générations d’écoliers est de combattre en particulier les racines chrétiennes du mal qui, si elles ne sont pas les seules, lui paraissent les plus profondes et encore vivaces dans la seconde moitié du XXe siècle. Son idée essentielle est de mettre en valeur la nature profondément juive du christianisme primitif.

les « Dix points de Seelisberg » poursuivent l’objectif d’effacer les antagonismes entre les différents courants religieux, de ne plus rabaisser le judaïsme et d’aboutir à une uniformisation de la doctrine qui ne heurte plus les lois juives. (2)

Ce texte reçut l’approbation des autorités religieuses chrétiennes. Il servit de texte de référence pour les chrétiens et fut utilisé comme charte par différentes associations Judéo-chrétiennes.

Trois ans après la conférence de Seelisberg, des théologiens protestants et catholiques se sont réunis à Bad Schwalbach (Allemagne), en juillet 1950 pour préciser les dix points de Seelisberg, ces « Thèses de Bas Schwalbach ayant reçu l’approbation de l’Eglise en la personne de l’évêque de Fribourg en Brisgau. Elles complètent les dix points de Seelisberg et sont d’une grande importance car elles fournissent les bases de la réforme de l’enseignement chrétien, réclamée par la conférence de Seelisberg. Ce document contient déjà l’essentiel de ce qui figurera dans les documents officiels postérieurs à propos des Juifs, notamment ceux de Vatican II.

Mais déjà, en 1949, Jules Isaac avait demandé au pape Pie XII que soit supprimée de la prière du Vendredi Saint la mention pro perfidis judaeis (que l’on traduit par « les juifs perfides » mais qui étymologiquement ne qualifie les Juifs que de gens de « mauvaise foi »)  jugée offensante pour les Juifs. Jean XXIII accédera à cette demande en 1959, avant la convocation de Vatican II.

Le 13 juin 1960, Jules Isaac a une audience avec Jean XXIII au cours de laquelle il lui remet :
un dossier contenant 1) un programme de redressement de l’enseignement chrétien concernant Israël ; 2) un exemple de mythe idéologique (la dispersion d’Israël, châtiment providentiel) ; 3) des extraits du catéchisme du concile de Trente montrant que l’accusation de déicide est contraire à la saine tradition de l’Église.

Jules Isaac noua une amitié avec Jean XXIII qui eut de l’influence dans la rédaction de la déclaration sur les religions non-chrétiennes Nostra Aetate, approuvée en 1965 par le concile Vatican II. Évidemment, Jules Isaac ne manqua pas d’insister sur les liens entre antisémitisme chrétien et antisémitisme hitlérien.

Ainsi s’explique la particulière bienveillance des papes depuis Vatican II envers les Juifs. Mais cette entreprise de judaïsation de l’Église n’est qu’un aspect du programme noachique visant à judaïser en quelque sorte l’humanité qui rencontre nombre de succès significatifs. En témoigne la loi 102-14 promulguée en mars 1991 lors de la 102è session du Congrès américain appelée « Éducation Day » et signée par le président Bush-père, qui reconnaît, tout en rendant hommage au mouvement juif loubavitch,  la nécessité de promouvoir les lois noachiques comme socle de la société américaine. Une phrase de ce texte est sans ambiguïté : « (…) nous nous tournons vers l’éducation et la charité pour réorienter le monde vers les valeurs morales et éthiques contenues dans les sept lois noachiques (…) ».

Depuis lors, d’autres avancées ont eu lieu. Le 16 février 2012, événement passé inaperçu, a été créé à Bruxelles un « Parlement juif européen » institution permanente. Mais, plus emblématique est le projet de création d’un Parlement mondial des religions du monde, dont l’idée fut lancée en 1893 à Chicago et qui sera installé à Bruxelles en 2014. Il s’agit de réunir durant une semaine dix mille personnes afin de participer à grande une réunion interconfessionnelle L’initiative est soutenue et encouragée par la conférence épiscopale des évêques de Belgique.

Et, comme s’il fallait accélérer la mise en place de cet ordre noachique sur le monde,  toutes les communautés juives du monde ont, le 23 septembre 2012 récité une prière demandant la venue du Messie. Autrement dit, d’un point de vue chrétien, cela revient à prier pour la venue de l’antéchrist. Si l’Eglise ne dénonce pas ce genre d’événement, elle se parjure puisque le Christ est venu voici 2000 ans. Mais que peut-on espérer, à vue d’homme lorsque dans le livre « Le peuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne », (Cerf, 2001), préfacé par le futur Benoit XVI et publié par la Commission biblique pontificale, on lit que « L’attente juive messianique n’est pas vaine. Elle peut devenir un puissant stimulant … à maintenir vivante la dimension eschatologique de notre foi » (chapitre II, A5 ).

Il est clair que l’Eglise catholique, c’est visible depuis Vatican II, s’est engagée, ne serait-ce que sur cet aspect du judaïsme, sur la voie du reniement de sa véritable nature. Il y a là un grave danger. En effet, si le christianisme est un universalisme, son aspiration à régner sur l’humanité est seulement spirituelle, le passage sur la Terre, la cité terrestre, n’étant que la préparation à la vie éternelle dans la cité céleste de Dieu. N’ayant pas d’attache terrestre, Rome et Jérusalem n’étant que des lieux de pèlerinage, il informe les intelligences, les traditions propres à chaque peuple en vue de les perfectionner et de leur donner les moyens de leur plein accomplissement. Il n’asservit pas les peuples et les hommes mais les révèle à eux-mêmes. D’ailleurs, si l’Eglise a pu dériver en force poltique liée au pouvoir politique de tel ou tel Etat, son autorité est avant tout spirituelle et le pape n’a jamais cherché à devenir empereur du monde. Pour l’universalisme juif, la dimension spirituelle passe d’abord par la dimension terrestre, commencer par le Temple, et l’établissement d’un pouvoir politique universel. Il contient en lui-même le principe de la domination des autres peuples par un seul avec toutes les conséquences politiques qui en résultent en termes de totalitarisme. Il s’agit de deux universalismes incompatibles et qui ne se situent pas sur le même plan. Nous devons en avoir conscience dès lors que nous voulons, comme c’est notre devoir, assurer l’avenir de nos peuples en fidélité à leur passé.

André Gandillon

1).Très estimé Monsieur,
Professeur Riccardo Di Segni, Grand Rabbin de Rome,
Au jour de mon élection en tant qu’Évêque de Rome et guide universel de l’Église Catholique, je vous envoie mon salut cordial, en vous annonçant que l’inauguration solennelle de mon pontificat aura lieu le mardi 19 mars.
Ayant confiance en la protection du Très-Haut, j’espère fortement pouvoir contribuer au progrès des rapports entre juifs et catholiques connus à partir du Concile Vatican II, dans un esprit d’entraide renouvelée et au service d’un monde pouvant être toujours plus en harmonie avec la volonté du Créateur.

Depuis le Vatican, le 13 mars 2013, Pape François.

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