Au mois d’avril 2015, l’actualité politique a été marquée par l’éviction de Jean Marie Le Pen du Front National, parti dont il avait été l’un des fondateurs puis le dirigeant depuis 1 973 jusqu’à 2011.
Dans les milieux nationalistes, se sont multipliés les propos scandalisés par ce parricide politique,dans la mesure où la fille rejette le père qui lui avait confié sa succession pour mieux satisfaire son ambition personnelle. Un tel comportement ne peut évidemment que choquer. Pourtant, il faut aller au delà des apparences et pour cela, il importe de replacer l’événement dans la longue durée à la lumière de l’action menée depuis des lustres par J.M. Le Pen.
Nous passerons sur les qualités connues du personnage ; sa culture qui apparaît d’autant plus grande que la médiocrité du personnel politique de leur république atteint des abysses aux limites toujours plus repoussées ; ses qualités d’orateur servies par la précédente ; son indéniable courage manifesté dans sa jeunesse puis au cours des différents conflits des années 1950, Indochine, Suez, Algérie, lorsqu’il a troqué son écharpe de député contre un béret vert, attitude bien rare chez des parlementaires ; son rejet constant de la décadence de notre civilisation et de l’abaissement de la France, son souci de la vérité historique, attitude qui, au fur et à mesure que la décadence et la dégénérescence métastasaient sur notre nation, le fit apparaître et stigmatiser comme un extrémiste de droite, tout étant relatif.
Cela dit, les qualités humaines sont une chose, le combat politique en est une autre. Ce qui arrive à J.M. Le Pen n’est que l’aboutissement logique des orientations prises depuis la fin des années 1970 et de sa manière de diriger.
L’erreur réformiste
A l’origine, le Front National a été créé dans la double filiation du poujadisme et d’un esprit révolutionnaire promouvant l’alternative au système démocratique. Mais assez vite, sous l’impulsion de J.M. Le Pen, et surtout après l’assassinat de François Duprat, la voie réformiste a été privilégiée et les membres du Front national qui refusaient cette évolution l’ont quitté. J.M. Le Pen a-t-il d’ailleurs été nationaliste, autrement dit, a-t-il dénoncé et combattu clairement les principes sataniques de l’anti France issus de 1 789 ? Il semble que non. D’ailleurs n’a-t-il pas écrit (1 ) : « Toute ma vie, j’ai traîné l’extrême droite comme un boulet », l’expression « extrême droite » désignant dans son langage les nationalistes qui ne sont ni d’extrême droite ni d’extrême gauche » mais « de France ». Dès lors, le Front national, voulant jouer la carte réformiste s’est trouvé confronté à la question suivante : comment progresser électoralement ? En fait, J.M. n’a jamais « trahi » un quelconque idéal nationaliste : il est resté toute sa vie fidèle à ses idées patriotiques ancrées dans l’esprit républicain, celles du CNI d’Antoine Pinay.
Or nous ne sommes plus sous la IVe république ; la dérive idéologique de leur république après 1 968 – qui n’est en fait que le développement dans une nouvelle étape du concept d’anti-France qui a triomphé en 1 789 et qui cheminait pernicieusement distillant son acide destructeur (2) – ses conséquences sur le pourrissement des mentalités et le verrouillage électoral et institutionnel mis en place, font qu’il n’y a plus la moindre excuse à se laisser séduire par les fausses illusions réformistes. Il n’est plus possible d’espérer amender le système de l’intérieur pour rétablir un ordre politique et social naturel, comme cela pouvait encore être envisagé dans la première moitié du XXe siècle. Plus encore, la fin de la Guerre froide a supprimé toutes les préventions que l’on pouvait encore avoir quant à un soutien tacite au système occidental, celui de ce que l’on appelait alors « le monde libre ». Non seulement le système n’est pas réformable mais, parce qu’il est contre-nature, il est promis à un devenir chaotique. Il n’est pas possible de transiger sur les principes de vérité, sauf à se perdre dans la fausse illusion de fallacieux succès sans lendemain.
Le dilemme est alors le suivant : ou bien on demeure intransigeant sur ses positions d’inspiration nationaliste (3) et, subissant les foudres de la police intellectuelle du régime, on adopte une attitude révolutionnaire envers le régime au sens où il s’agit de se donner les moyens de lui substituer un régime nationaliste, autrement dit un État restauré dans la filiation d’une tradition plus que millénaire interrompue en 1 789 ; ou bien, espérant progresser rapidement, on tente de se rendre acceptable par le régime en place. Dans ce dernier cas, un processus pervers est alors enclenché car, lorsque l’on veut se rendre acceptable, « régimo-compatible », il est rare que l’on garde une ligne politique sans concession. Les renoncements commencent, ne serait-ce que sous des justifications tactiques présentées comme étant de la plus haute intelligence. D’abord à la marge, sur des points secondaire, marqués par un amollissement du discours puis de manière accélérée en finissant par lâcher des pans entiers du programme, à vitesse accélérée comme cela se produit toujours dans les processus cumulatifs.
C’est ce qui s’est produit avec Marine Le Pen qui a fait du Front national une sorte de Parti radical style IIIe république amodié à la sauce du XXIe siècle. En Italie, le MSI avait suivi une évolution identique sous la férule de Gianfranco Fini qui a tout simplement trahi les idéaux fascistes qu’incarnait son prédécesseur Giorgo Almirante et qui est aujourd’hui « pèse » à peine 2 % en poids électoral. Marine Le Pen ne gagnera rien à avoir renié la ligne que son père avait su garder pour l’essentiel. D’une part, le régime besoin d’un parti qui serve de voie de garage aux mécontentements de la population ; d’autre part, la ploutocratie régimiste fera tout pour éviter de perdre ses avantages, se constituant en syndicat d’intérêts pour préserver ses « avantages acquis ». On ne gagne jamais rien en abandonnant ses principes fondateurs : le Front National s’en mordra les doigts. Maurice Barrès disait d’ailleurs à propos de ces arrivistes « ils sont arrivés ; certes ; mais dans quel état ? A l’origine de ce mécanisme, Jean Marie Le Pen s’en retrouve la dernière victime en date. Car, avant lui, des épurations successives afin de rendre le Front national républicanocompatible se sont succédées : soit par le départ des opposants comme en 1 982 avec les Pierre Bousquet et Jean Castrillo qui quittèrent le Front National par un « non possumus » qui les conduisit à créer le Parti Nationaliste Français en 1 984, soit par éjection directe comme Alexandre Gabriac Conseiller régional Rhône Alpes etc.. Cela ne doit pas être confondu avec la scission de 1 998 qui est liée à une querelle nourrie d’ambitions personnelles conduites par un Bruno Mégret, favorisé originellement par J.M. Le Pen pour contrebalancer l’aura d’un Jean-Pierre Stirbois « opportunément » disparu peu après dans un accident de la route aux causes jamais élucidées.
Les « fautes » de J.M. Le Pen
Autres fautes : le fait de n’avoir pas mené une action systématique d’enracinement local et de n’avoir pas recherché à recruter les meilleurs parmi les cadres, notamment ceux qui ont fait leurs preuves sur le terrain, comme s’il avait peur d’une certaine concurrence. Ne parlons pas de Mégret et consorts : s’ils avaient eu quelque sens politique, ils n’auraient pas provoqué la scission de 1 998 voue à l’échec, pour des raisons juridiques propres aux statuts du FN et pour une simple raison psychologique parce que la notoriété sans partage de J.M. Le Pen faisait qu’il entraînerait avec lui la majorité de l’électorat. Quant à Bruno Gollnisch, en dépit (ou à cause) de ses qualités humaines et intellectuelles, n’a jamais su s’affirmer en successeur. De plus, à tort ou à raison, le Front National apparaît comme une sorte de PME familiale et il est clair que J.M. Le Pen a favorisé sa fille cadette pour lui succéder. Circule aussi l’hypothèse selon laquelle il n’a jamais voulu du pouvoir, la preuve avancée étant qu’il a multiplié les déclarations ayant un parfum de scandale relativement aux interdits idéologiques du régime de manière à servir de repoussoir auprès d’une opinion publique par ailleurs lobotomisée par le bourrage de crâne médiatico-politique. Et l’on peut se demander si la déclaration qui lui vaut son éviction, ne relève pas de cette nature. Le meilleur crédit que l’on puisse lui faire est de lui accorder cette lucidité in petto qu’en l’état actuel du monde occidental, l’accès au pouvoir d’un mouvement politique, ne fût-il que patriotique, est impossible.
Dans ce cas, le Front National apparaît comme une voie de garage des mécontentements utile au régime et un tel mouvement politique sert les intérêts du système en place. Il est partie intégrante du jeu politique de l’ordre démocratique et par suite utile à son fonctionnement à l’instar des partis dits « populistes » existant ailleurs en Europe et dont la neutralisation est patente au vu du peu de résultats obtenus lorsqu’ils disposent de postes gouvernementaux. Quoi qu’il en soit, Jean-Marie Le Pen n’a jamais donné la preuve qu’il voulait constituer un parti nationaliste révolutionnaire – au sens où il refuse toute compromission avec un régime d’anti-France et ne vise que l’objectif à atteindre -, avec des cadres formés à connaître l’ennemi, à en déjouer les manipulations et les objectifs. Il s’est contenté de s’insérer dans le jeu démocratique en combattant les dérives qu’il engendrait, sans se rendre compte – ou voulant se rendre compte – que c’est le régime lui-même qui est nuisible et qu’il est aussi impossible de le rendre bénéfique au bien commun national que de vouloir transformer les termites en insectes protecteurs des charpentes.
Comment faire ?
Répétons-le : si le jeu électoral présente l’intérêt de servir de moyen de diffusion à d’importantes couches de la population les idées politiques élaborées à la lumière de la doctrine nationaliste, il ne peut en aucun cas constituer le but de l’activité politique. Il ne faut pas se laisser abuser et confondre moyen et fin. Sachant que le système démocratique est irréformable et protégé par des défenses qu’il a su se donner, obtenir le cas échéant des postes électifs ne doit pas être utilisé, comme cela a été fait généralement par les élus du Front National, pour participer d’une manière se voulant constructive au fonctionnement des organismes aux instances desquelles ont a été élu, mais de s’en servir comme d’une éventuelle tribune et d’en retirer des avantages pour l’action révolutionnaire ; ainsi, il ne faut jamais voter de ce qui est proposé par le personnel du régime, étant entendu que, même s’il soumet au vote des textes reprenant des idées nationalistes, celles-ci et l’usage qui en sera fait trahiront toujours ce que veulent réaliser les nationalistes.
La tâche d’un mouvement nationaliste est aujourd’hui double : – faire connaître sa doctrine sans concession aucune, conquérir les âmes, créer des réseaux au sein de la société, par tous les moyens disponibles, – détecter et former les élites nationalistes, l’avant-garde, regroupée en groupes restreints concentrés, soudés, tant du point de vue du caractère que de l’instruction ; il s’agit des véritables élites de la nations, ces « âmes qui brûlent », ce « petit reste » par lequel vit la nation, se constitue et se forge l’outil du relèvement à venir. L’occasion de l’employer sera fournie par l’un des inévitables trébuchements de l’anti-ordre actuel, voire son effondrement qui relève de forces supérieures à l’homme, tout comme le redressement ultérieur. Sachons-le : la grâce de cette renaissance s’obtiendra parce qu’au préalable, nous le voudrons avec force et saurons nous donner les moyens d’oeuvrer à cette fin. A l’évidence, au vu de son action passée, un Jean-Marie Le Pen n’est pas l’homme capable d’assurer l’avenir du mouvement nationaliste, sans qu’il soit question ici de son âge. Toutefois, il pourrait servir le vrai nationalisme s’il se rangeait enfin sous sa bannière. Il aurait alors une sortie honorable.
André GANDILLON
(1 ) (Le Choc du Mois, N°3) cité par P. Ploncard d’Assac Histoire d’une trahison, 20 €, SPP, BP 30030, 83952 La Garde cedex
(2) Pour s’en convaincre, il suffit de lire le livre de Vincent Peillon, grand initié du projet républicain judéo-maçonnique, « La Révolution française n’est pas terminée », Seuil, 2008)
(3) Rappelons succinctement que la doctrine nationaliste ne consiste pas à découvrir des vérités nouvelles mais à parvenir à utiliser des vérités bien établies, issues de l’observation de l’histoire, pour répondre aux questions qui se posent dans le monde actuel en vue de les résoudre dans l’intérêt supérieur de la nation.
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